Éric de la Noüe
La première minute
2011-11-18 - POLITIQUE
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Union ADQ-CAQ: Le regard des petits-enfants sur ces ministres de plus rien

Le fascinant parallèle historique de Martin Otis, une réflexion sur le silence des chiens de garde de la droite et quelques autres gentillesses.

Et ça commence par Union ADQ-CAQ: Le marié est-il le meilleur parti?, où j’ai partagé avec vous mes craintes que les idées de droite de l’ADQ puissent être dénaturées au point de disparaître du paysage politique québécois en cas de fusion avec la coalition de Monsieur Legault. J’ai fait un retour sur la campagne électorale fédérale de 2000, quand le baroud d’honneur de Joe Clark permit au Parti conservateur de vivre pour livrer d’autres batailles et finalement gagner la guerre.

Ce faisant, je vous ai parlé de la possibilité de pouvoir regarder en arrière, quelques rides quelques cheveux gris en plus, la tête haute et, pardonnez le jeu de mot, surtout invité les parties en présence à penser au regard que leurs enfants porteraient sur elles dans quelques années.

Mais je m’en suis tenu à l’histoire des vivants. Martin Otis, lui, vient de parler de l’histoire des morts et de faire un fascinant parallèle avec l’alliance Gouin-Duplessis en 1935. Il a frappé dans le mille, le sacripant.

C’est passé en-dessous de mon radar et j’estime important d’attirer votre attention sur son texte, au cas où il soit passé sous votre radar à vous.

Au temps d’une paix, un mariage d’argent pour une dot vite dépensée

En 1935, le Parti conservateur du Québec n’est pas en odeur de sainteté. Après avoir tenu à envoyer sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale des vierges canadiens-français mourir fusil en main pour Sa Majesté, l’électorat québécois s’est vengé de lui en faisant du Parti libéral le parti du pouvoir. Ce sont ces rouges de Louis-Alexandre Taschereau, si chers à Joseph-Arthur dans la série Le Temps d’une paix. Les scandales de corruption sont toutefois à pleuvoir sur le gouvernement libéral et le canard est en instance de patte cassée. Dans l’ombre, un certain Maurice Duplessis travaille à faire son heure. Il a été nommé chef de l’opposition en 1932. C’est un bleu, un conservateur.

Chez les libéraux, un groupe de députés menés par Paul Gouin vient de claquer la porte pour fonder l’Action libérale nationale, l’équipe qui remettra un peu de libéralisme dans une idéologie qui est devenue dominée dans les faits par le «capitalisme des amis», cet interventionnisme étatique qui, sous le manteau du bien commun, donne tout son sens à l’expression «voter du bon bord».

Les Québécois vont bientôt montrer la porte à Taschereau. Mais le fruit n’est pas mûr. Duplessis et Gouin contemplent la possibilité d’élire chacun de leur côté une poignée de députés. Et Duplessis l’underdog se fait lentement géant, à force de talent et d’une obstination relevant de la foi du charbonnier. Il comprend toutefois que les troupes de Gouin risquent de lui barrer le chemin. De plus, il passe certainement par la tête de ces dernières que les retourne-veste sont rarement récompensés à l’urne. Un par-ci par-là, oui, peut arriver à se faufiler. Mais toute une bande? Les ennemis de mes ennemis sont-ils mes amis? Dans les années trente, conservateurs et libéraux provinciaux sont chiens et chats, autant sinon plus que péquistes et libéraux d’hier. À la perspective d’un mariage d’argent avec des rouges travestis, la base militante des bleus de Duplessis ne se sent pas fringante.

Dans des petits bureaux enfumés, la question est posée. Qui portera les culottes? Soixante quinze ans plus tard, elle pourrait être posée plus crûment. Qui baisera qui? Excusez ma vulgarité, mais il serait naïf de croire que les bleus de Duplessis firent dans la dentelle à l’idée de faire leur lit avec une ennemie idéologique. Présentons-nous devant l’autel, ramassons la dot, et laissons la mariée faire la vaisselle pendant que nous passerons nos soirées en d’autres lieux.

Et un mariage fut. En novembre 1935, Louis-Alexandre Taschereau réussit à conserver le pouvoir par la peau des dents. Peu après naissait l’Union nationale et, en août 1936, Maurice Duplessis remportait le Prix pendant que Paul Gouin se préparait à devenir un boulevard. Et les ténors de l’ALN furent placés dans des positions inoffensives et son programme à la poubelle. Les libéraux reprirent le pouvoir pour un mandat en 1939, les transfuges de l’ALN oubliés, et Duplessis revint ensuite faire la pluie et le beau au Québec le temps d’une Grande Noirceur.

L’histoire se répète parce que la nature humaine ne change pas

Avec son texte, L’alliance Deltell-Legault, l’histoire se répète, Martin Otis fait six parallèles directs entre l’alliance Gouin-Duplessis et l’alliance Deltell-Legault. C’est court, frappant et intrigant. Il a été publié le quatorze novembre dernier dans Le Prince Arthur. Le quinze, je publiais donc dans Contrepoids ADQ-CA: Le marié est-il le meilleur parti?

Avoir su, il est certain que dans mes notes j’aurais invité le lecteur à le consulter. Eh, bien, je le sais maintenant. Je suis tombé sur son texte le seize.

De tout ce qui est passé sur mon bureau ces derniers jours, le texte de Monsieur Otis compte parmi ceux qui viennent nourrir le débat au lieu d’en être simplement observateurs. Ce que Martin Otis nous dit, c’est que la nature humaine ne change pas. L’histoire se répète parce que nous avons tendance à en oublier les leçons. Les amours Gouin-Duplessis étaient trop loin de ma culture politique, une note de bas de page dans les livres d’histoire, pour que je réalise à quel point elles rappellent les rituels nuptiaux entre Messieurs Deltell et Legault. Et l’amour est aveugle. Lisez son billet. C’est sidérant.

À mesure que les jours passent, les messages que je reçois sont qu’une aile de l’ADQ a envie de s’associer à une gauche efficace en enterrant le plus discrètement possible une droite peut-être militante. Je sens chez elle une frustration certaine mais bien peu de colère. Partageant ceci avec vous, je tiens toutefois à vous rappeler que je vous écris confortablement assis sur un divan à l’extérieur de l’ADQ. Je pèse donc des mots qui, pas trop mal écrits, pourraient donner une fausse impression d’autorité. Je pose des questions, commence à prendre position à titre d’illustre jean-foutre très connu dans son entourage. C’est très différent. Et je me méfie comme la peste du danger de faire des affirmations qui n’ont pas été confirmées par plusieurs sources. À ce stade, donc, tout le monde est beau et gentil à rouler sur un chemin pavé des meilleures intentions.

Dans la direction générale de l’Enfer.

Le Québec a besoin de géants. À gauche? Il a aussi besoin d’une droite.

Je suis convaincu que le paysage politique québécois a besoin d’une gauche dynamique, efficace, éclairée. Celle de Monsieur Legault occupant le haut du panier? Mon idée n’est pas faite, mais pourquoi pas? Étant fédéraliste depuis ma France entendre, je vais peut-être en étonner certains. Je serais de ceux à déplorer une disparition du Parti québécois de la scène politique. Parce qu’une partie de leur argumentaire demeure pertinent et qu’il a la capacité d’élever le débat. Remarquez, ils n’ont plus besoin de l’aide de personne pour faire échouer leur nef mais, ça, j’y reviendrai une autre fois.

Les libéraux de Monsieur Charest, c’est autre chose. Au-delà d’un interventionnisme économique aussi assidu que mollet, d’une conciergerie moyennant frais de gestion qui nous sont présentés comme une bonne affaire (mais pour qui?) et d’un rempart contre le Piku, le Parti libéral, quossa donne?

Monsieur le Premier Ministre du Québec, vous pouvez retenir vos avocats. Je ne suis pas en train de vous accuser personnellement de malversations : je suis en train d’énoncer un principe qui est mien. Je suis partisan d’une alternance des pouvoirs réfléchie. Le pouvoir corrompt. Le pouvoir absolu corrompt absolument.

À la décharge des libéraux, peut-être, une phrase qu’une personnalité péquiste a laissé passer en ne se doutant pas qu’elle se rendrait à mes oreilles au lendemain de l’élection des libéraux provinciaux en 2003, preuve une fois de plus que le nombre idéal de personnes pour garder un secret c’est un.

«Ne vous en faites pas pour Jean Charest, nous lui laissons les finances tellement de travers qu’il ne pourra rien faire.»

Ben, voyons, à cœur vaillant rien d’impossible. La dette du Québec continue toujours à grimper. Je préciserai éventuellement ma pensée à ce sujet. En attendant, allez lire Nathalie Elgrably-Lévy, Joanne Marcotte et Éric Duhaime.

Nous vivons depuis plus de trente ans dans une matrice où les extrêmes sont gauche et plus à gauche et elle fausse collectivement notre jugement. Le Québec a besoin d’une «vraie» droite pour équilibrer le balancier. J’ai une tendance en devenir pour vous. À gauche, il commence à y en avoir plusieurs à réaliser que le combat de la dette n’est plus une question de gauche ou de droite. La fin du party s’en vient et la peur s’installe. Je ne suis pas seul à m’inquiéter que les finances publiques en viennent incapables de mettre cette chair sur l’os de la pauvreté.

Mais le Québec dispose-t-il présentement d’un vaisseau politique capable d’avoir le courage de réserver l’argent du beurre pour ceux nés pour un petit pain?

J’ai la chienne pour eux.                            

Le Québec a besoin d’une droite. La droite a besoin d’un vaisseau. Sans lui, ses partisans seront de vulgaires quémandeurs.

Pour qu’il prenne cet équilibre qui lui manque, le Québec politique a besoin d’une droite dynamique, engagée et engageante. Vocale. Il y a déjà un moment, Joanne Marcotte a commencé une longue traversée du désert à placer les Québécois devant la réalité de leur Illusion tranquille. Le Québec compte d’autres voix aussi engagées et engageantes. Je nomme ici Madame Marcotte en pensant aux actions concrètes qu’elle a posées suite à la réalisation de son documentaire. Avec Éric Duhaime et quelques autres, Joanne Marcotte est cofondatrice du Réseau Liberté-Québec, un organisme voué à la promotion d’idées de droite et surtout à leur démystification dans l’œil d’un public ayant de la difficulté à faire la différence entre une droite du centre et celle d’extrémistes.

Le geste est tout à son honneur. Nous avons besoin d’un mouvement non partisan, de citoyens, capable d’endosser ponctuellement les positions de tel ou candidat, par exemple, mais qui n’est à la solde de personne. Paraîtrait même qu’il y a des gens de gauche parmi ses membres.

Cela dit, alors que le combat n’est pas livré, j’ai commencé à entendre le discours de la défaite parmi certains tenants convaincus de l’importance d’avoir au Québec un parti de droite, du genre le vaisseau prend l’eau, restons sur la rive à clamer notre indignation. Nous réussirons à faire entendre nos voix malgré tout.

Ah, ouais? Il n’y a pas de pire sourd que celui qui n’est pas forcé de vous écouter. En politique, la possession constitue les dix dixièmes de la loi. Vous imaginez-vous, casquette tendue, à demander des finances publiques plus saines ? Vous serez de vulgaires quémandeurs qui, au mieux, se feront accorder à grands frais une commission sur la question. Histoire de faire couler le bateau encore plus vite et de ne pas vous dire que vous étiez dans le vrai.

En clair, pas de sucre dessus? Le Réseau Liberté-Québec me semble la plus belle invention depuis le pain tranché - assez pour que j’en sois devenu membre. Mais s’il devait être seul à s’attaquer à un ennemi fortement retranché, ce serait lui concéder l’avantage de se défendre sur un seul front. La Charge de la brigade légère, ça vous tente, vous?

Le silence des chiens de garde

Il prend l’eau? Le Québec a quand même besoin d’un vaisseau de droite et, à l’intérieur de l’ADQ, ce ne sont pas les tenants d’une fusion avec la CAQ qui feront des efforts pour le radouber. C’est d’autant plus vrai que plusieurs d’entre eux sont de bonne foi. L’ADQ est-elle un parti de droite? Et, si oui, qui peut bien avoir réussi à lui insuffler ce penchant? On n’y pense plus maintenant, mais l’Action démocratique du Québec est née dans le bruit et la fureur qui ont suivi les échecs des accords du Lac Meech et de Charlottetown. Elle était d’abord et avant tout une réaction supplémentaire au choc des deux solitudes. Une photogénique caution à ménager, aussi, pour un référendum d’il faudrait.

Quelque part en son sein, des partisans de la droite, eux aussi de bonne foi. C’est leur silence qui m’inquiète. Question. L’ADQ est-il un adulte à casquette dans le sous-sol de Moman? Pour un jeune parti, ce serait signe de notre époque, de ces générations X et Y que le contexte a faites Tanguy, à professer leur autonomie en frappant la table du poing pendant que la main gauche est tendue à réclamer les clés de l’auto. C’est aussi un signe de cette timidité qui fait partie de nos gènes. Le porteur d’eau n’est pas loin. C’est le voisin. C’est moi. C’est vous.

C’est le temps de grandir.

Je m’inquiète aussi du silence des coroners de la chose politique dont le regard est suffisamment clair pour comprendre que gauche et plus à gauche c’est dangereux. Bien sûr, à ce stade, pour la majorité le cœur penche toujours à gauche, observateurs inclus. Plusieurs pensent sans oser le crier que de voir l’ADQ digérée par une gauche «efficace» est une excellente idée. Évitons de le dire au visage de la mariée, prenons-lui sa dot et ainsi soit-il. Elle aura au moins le bénéfice du couvert.

J’ai parlé de la bonne foi de ces partisans qui, à l’intérieur de l’ADQ, sont prêts à embrasser la gauche «efficace». Je ne partage pas leur point de vue mais leur accorde le bénéfice du doute. Ils ne peuvent pas renier une vision de l’état à laquelle ils n’ont jamais adhérée en partant. Le moment de vérité sera au moment des adieux. Locataires voulant casser leur bail, seraient-ils prêts à s’enfuir avec les meubles contre le gré de leur base militante? L’histoire nous le dira.

Revenons au parallèle Gouin-Duplessis fait par Martin Otis.

Êtes-vous de ceux qui commencent à croire qu’une fusion ADQ-CAQ ne serait rien de plus qu’une prise de contrôle inversée?

C’est le temps d’agir.                                                  

C’est le temps de faire entendre vos voix, de mettre de côté les conflits personnels et ce que j’appelle les concours de basse-cour, à jalouser la crête du ’tit coq d'à côté. Monsieur Gouin et ceux qui l’ont suivi ne sont plus que des notes de bas de page de l’histoire, les dindons d’une farce opportuniste que Monsieur Otis vient de nous rappeler. Au mieux, une poignée de leurs petits-enfants devenus vieux les regardent de loin. C’est grand-père, un oncle un sourire une poignée de bonbons. Ministres de rien du tout.

L’histoire de maintenant reste à s’écrire. Autant suivre sa conscience pendant que nous pouvons en voir les fruits de notre vivant. Et parce que j’aimerais mieux vivre beau que laid. Je mourrai bien assez vite.

Et ça se termine avec un épilogue dans Barry Lyndon, le film des aventures d’une canaille pas trop méchante, prête à tout pour s’élever dans la bonne société anglaise de la fin du dix-huitième siècle. Le film est basé sur un roman de Thackeray mais Stanley Kubrick avait été égal à lui-même, le transformant en beaucoup plus que l’œuvre originale. Son histoire contée, il avait ajouté sur fond noir:

Ces personnages vécurent sous le règne de George III. Bons ou méchants, beaux ou laids, ils sont tous égaux à présent.


Éric de la Noüe



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Commentaires: eric@lapremiereminute.ca

ADRESSE À TWEETER: À Confirmer

La semaine prochaine, je précise ma pensée concernant l’émergence de la coalition de François Legault. À tous avoir le nez contre la vitre, un élément est négligé par plusieurs. Et ce n’est pas une fleur dans le tapis.

NOTES

MARTIN OTIS – LE PRINCE ARTHUR

L’alliance Deltell-Legault, l’histoire se répète, publié le 14 novembre 2011 dans Le Prince Arthur.

C’est ici:                                                                    

MON TEXTE DU 15 NOVEMBRE

ÉRIC DUHAIME

Son blogue dans le Journal de Québec: blogues.canoe.ca/ericduhaime

NATHALIE ELGRABLY-LÉVY

Ses chroniques dans le Journal de Montréal :

Toutes ses chroniques archivées sur le serveur de l’Institut économique de Montréal:

JOANNE MARCOTTE

REGARDEZ L’ILLUSION TRANQUILLE POUR PAS UNE CENNE:

RÉSEAU LIBERTÉ-QUÉBEC

L’ÉPILOGUE DANS BARRY LYNDON

Le texte de l’épilogue du film n’est pas de la main de Kubrick mais bel et bien de la main de William Thackeray. Dans son livre, toutefois, il l’avait placé au début du chapitre premier. En le plaçant à la fin de l’histoire, Kubrick lui donne une toute autre portée. Le petit mot dans le roman nous distance des personnages, dans le film il nous fait leurs semblables.

Bilge Ebiri, dans Barry Lyndon: The Shape of Things to Come, nous dit à peu près la même chose:

Citation originale du roman : « It was in the reign of George the III that the above named personages lived and quarreled; good or bad, handsome or ugly, rich or poor, they are all equal now »

FRANCE ENTENDRE?

Pensez-y, les Dupondt, dans Tintin.

TANGUY?      

Le film, dans Wikipédia: fr.wikipedia.org/wiki/Tanguy_(film)

AVIS JURIDIQUE

Je viens de me prendre une carte de membre du Réseau Liberté-Québec, oui, mais mes propos n’engagent que moi et personne d’autre.

1939 ou 1940?

La version publiée dans Contrepoids indique 1940. Adélard Godbout a été élu le 25 octobre 1939 et premier ministre du Québec du 8 novembre 1939 au 30 août 1944. La bonne date est donc 1939. La session parlementaire a débuté le 20 février 1940. Mon erreur.

LE BOULEVARD C’EST SON PÈRE

Exact. Mais le fils s’est fait asphalter.


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